Jour 6 : Caverne Dufour – Piton des neiges – l’Hermitage


Il est 2h30 lorsque le réveil sonne. Ça fait 30 minutes que je suis réveillé et que je guette les bruits de discussions émanant du refuge. J’ai déjà sorti la tête deux fois de la tente pour m’assurer que personne ne commençait la montée. J’avais compris que les personnes du refuge démarraient vers 3h mais je ne voudrais pas avoir fait une erreur et partir en retard.

En fait non, c’est juste que 50 personnes à bouger c’est beaucoup plus long que 2… on s’habille, on range rapidement nos affaires dans la tente pour alléger nos sacs au maximum tout en les gardant pour avoir de l’eau avec la pipette mais aussi pour emmener le petit déjeuner avec nous.

Pendant ma dernière randonnée dans les Pyrénées, j’ai pris mon petit déjeuner au sommet du pic du Bastan lorsque j’en ai fait l’ascension pour le lever du soleil. Je trouve qu’il n’y a rien de mieux que de se faire chauffer son chocolat chaud ou son thé et de le déguster devant un tel spectacle. J’ai donc voulu réitérer l’expérience et en faire profiter Céline.

On débute l’ascension à 2h50 en étant dans les premiers à partir. On se fait rejoindre progressivement et quelques petits groupes passent devant nous. Pour autant on garde un bon rythme en restant relativement devant. C’est ce que nous voulions pour éviter l’effet Stromboli vécu il y a quelques années où j’en avais fait l’ascension. Cette attraction touristique vous prend au piège dans une chenille ininterrompue de gens montant voir le cratère en activité de ce volcan.

Là, sans dire qu’on est en intimité, on reste dans une situation acceptable, même si on voit se dessiner une belle ligne de points blancs pour autant de frontales allumées révélant l’étendue de cette lente procession.

Les deux heures de montée se font dans les scories du volcan. Rarement le pied se posera sur un terrain stable et le tapis de cailloux commence à se faire sentir sous la semelle de nos petites chaussures de randonnée.

Les derniers 100 mètres de dénivelé sont un peu plus éprouvants. Céline ralentit le rythme alors que l’aube pointe le bout du nez. Je l’exhorte à accélérer pour ne pas louper les quelques instants fugaces où le ciel change de couleur pour passer du noir au rouge intense. C’est cette partie de l’aube qui est vraiment intéressante, les quelques minutes de l’aurore avant même le lever du soleil (qui a un intérêt finalement bien moindre). Ce sont les quelques minutes où la nuit tend à disparaître au profit du jour dans un embrasement de couleurs qui rendent ces 2 heures d’effort et le lever matinal aussi insignifiant qu’une petite balade digestive.

Les dix dernières minutes se font à un rythme soutenu. Il n’y a plus de cailloux, la pente se réduit et surtout on aperçoit enfin le sommet. Au passage, on passe devant quelques tentes plantées dans des sortes de demi igloos en pierre les protégeant du vent qui peut être glacial à cette altitude de 3070 mètres. Il s’agit ni plus ni moins qu’un muret en cercle sur une hauteur pouvant varier de 50 cm à un bon mètre selon les constructions.

On peut maintenant dire qu’on a réussi… on a fait l’ascension du piton des neiges et je ne m’en n’étais pas rendu compte, mais jusqu’ici Céline n’y croyait pas encore. La pression retombe, le doute s’évapore et la joie l’envahie. Évidemment, ça fait beaucoup d’émotions en quelques instants et les digues tombent laissant des larmes de joie l’envahir. Quel plaisir et quelle joie pour moi d’avoir pu l’emmener jusqu’ici même si je n’avais pas le même doute qu’elle sur l’épilogue de ce trek.

On arrive à 4h40 au sommet, très exactement 1h50 après notre départ. On s’installe un peu à l’écart de la foule qui va très vite grossir pour profiter de ces instants magiques. Paradoxalement, j’ai beau avoir une mémoire peu fonctionnelle, ces moments assez fugaces restent profondément gravés dans mon esprit. Je me souviens encore parfaitement, de notre lever de soleil sur le mont Bromo ou encore celui en haut du mont Batur… pourtant, c’était il y a plus de 10 ans !

Aujourd’hui encore, je prends le temps de marquer mon esprit de cet instant. Le piton de la Fournaise au loin d’où les lueurs du jour commencent à onduler sur l’horizon. Les nuages qui ne se sont pas levés cette nuit au dessus des villes de l’Est de l’île forment un tapis de coton ondoyant sur les sommets en contrebas laissant transparaître ici et là quelques lueurs d’habitations.

Un peu après 5h, alors que le soleil monte de plus en plus sous l’horizon et que le ciel a adopté un visage changeant moins rapidement, je lance le petit déjeuner. Il faut dire qu’à 3070 mètres à 5h du matin il ne fait vraiment pas chaud. Un bon thé pour se réchauffer et nos traditionnels céréales du matin pour reconstituer un peu les forces perdues dans cette montée qui n’était pas de tout repos. Tout ça nous permet de continuer à contempler le spectacle jusqu’au moment où, à 5h24 précisément, le disque orange du soleil apparaît à l’horizon.

Après tout va très vite, la lumière envahit tout l’espace, le soleil est très vite plein dans le ciel et continue son ascension à une vitesse folle comme si on avait accéléré le temps à partir du moment où il était apparu.

Rapidement après le lever, on commence à profiter un peu de environs et à aller admirer les autres vues du sommet dont celle sur le col du Taïbit par lequel nous sommes sortis de Mafate hier. On prend tout notre temps pour faire des photos souvenirs avant d’amorcer notre descente vers 6h15 alors que la plupart des gens sont déjà partis depuis un moment.

On mettra plus de 2h30 pour regagner notre camp de base, soit plus que pour monter. La descente a été très douloureuse, on a bien expérimenté les limites d’avoir des petites chaussures de randonnée. Sur la fin, chaque cailloux roulant venait laisser une trace dans notre voûte plantaire nous rappelant que nous étions sur un volcan et pas sur un chemin forestier du Jura. Ça ne nous rassure pas pour le reste de la descente puisqu’en arrivant à la tente nous n’avons fait qu’un bon tiers de l’ensemble.

C’est le refuge le petit point blanc

 

On prend le temps de se reposer un peu avant de plier la tente et de refaire les sacs pour poursuivre notre descente. D’ailleurs, à peine reparti je trouve mon cadeau du jour : une paire de chaussettes Adidas… bon faut pas pousser, celles là je les laisse là. Dommage que ce ne soit pas des chaussettes de compression car je les aurais prises pour le coup, ça aurait été l’occasion d’essayer ;o)

La descente est longue mais elle se passe assez bien, mieux que la descente du piton en tout cas. Il nous faudra 2 bonnes heures pour arriver au Bloc en gardant un bon rythme, particulièrement sur la fin puisqu’on terminera le dernier kilomètre à vive allure, voir en courant sur certaines portions afin de s’assurer d’avoir le bus pour Cilaos. Le prochain est dans longtemps, alors ne perdons pas de temps, d’autant qu’on a une correspondance directe à Cilaos pour Saint Louis.

Finalement à Cilaos il est pas loin de 13h, et l’estomac se rappelle à notre bon souvenir. On est levé depuis plus de 10h avec une activité assez soutenue pendant cette période alors on ne se voit pas refaire 1h30 de bus le ventre vide. Le prochain bus pour Saint Louis est dans 1h15, c’est juste ce qu’il faut pour aller manger.

On se prend un sandwich américain aux bouchons, ça nous rappelle, là encore, des souvenirs de notre dernier passage. Par contre, ce qui est moins agréable, c’est qu’on revient dans la vie civilisée pour la première fois depuis 5 jours et qu’on a beau avoir fait une toilette tous les jours et fait quelques lessives (même si on n’a pas pu le faire ces deux derniers jours), on pue ! C’est pas qu’on sent mauvais, ou qu’il y a quelques odeurs de transpiration, non, on pue littéralement.

Quand je me revois dans le snack en train de passer ma commande, je vois pépé le putois avec toutes ces vapeurs de puanteur autour de lui. J’ai honte, je n’ose même pas rester dans le restaurant. J’attends d’ailleurs ma commande dehors. On prend la table la plus à l’écart des autres clients mais ce la ne suffit pas. Il y a des collégiennes à côté de nous qui se moquent assez ouvertement avec toute la délicatesse d’un jeune… j’ai rarement eu aussi honte.

Faut dire qu’on a eu des journées plus qu’intenses et qu’une toilette au gant ne remplace pas une douche. C’est à prendre en compte pour la prochaine fois !

C’est donc avec cette pancarte autour de notre cou marqué « je suis sdf et je pue la mort» qu’on prend nos bus pour Saint Louis puis l’Hermitage plage. On n’avait pas prévu de venir passer une journée sur le bord de mer, le planning de la semaine ne le permettait pas. Mais comme on a accéléré le rythme sur la fin et qu’on a réussi à faire les 3 derniers jours en 2, on s’autorise une petite journée de repos sur le lagon près de Saint Gilles là où nous avions terminé nos vacances il y a 6 ans.

La sortie du cirque de Cilaos n’est pas des plus évidente, surtout en bus. Cilaos est connu pour sa route aux 400 virages et effectivement, je veux bien croire qu’il y ait autant. Dans certains tunnels, le bus passe avec moins de 20 cm tout autour de lui. C’est incroyable et pourtant il ne touche pas la roche, pas une seule fois.

Arrivés à l’Hermitage, il nous reste 15 minutes de marche jusqu’au camping (pourquoi changer, on a une tente !) et on comprend en s’approchant pourquoi le camping avait quelques avis négatifs quant au bruit. Ce n’était pas des jeunes qui passaient la soirée sur la plage, non, c’est carrément une concentration de discothèques et autres cabarets de nuit qui se trouvent à 50 mètres du camping… Bon finalement il n’y a pas eu tant de bruit et cela ne nous a pas empêché de dormir.

On n’est pas tout à fait sur la même plage qu’il y a 6 ans, on ne l’a pas retrouvée mais ça ira bien pour les quelques heures qu’on va passer ici à se reposer. La priorité maintenant qu’on est arrivé, ce n’est pas de monter la tente, ni de trouver de l’eau mais bien de : 1- lancer une machine à laver de toute urgence avec l’intégralité du contenu de notre sac. On ne garde que le maillot de bain sur nous et 2- prendre un longue douche pour se laver.

Finalement, on lance la machine mais on reporte la douche pour d’abord aller profiter du lagon avant que le soleil ne se couche. Il nous reste moins d’une heure alors ça serait dommage de ne pas se baigner ce soir. Même si la mer n’est pas aussi chaude que je l’espérais, ça fait du bien de pouvoir se délasser dans l’eau. Un bain a un tel pouvoir relaxant, c’est incroyable. Un must après 5 jours de randonnée :o)

Au retour de notre baignade on prend cette fois-ci notre douche et on récupère notre linge propre, sec et qui sent bon… enfin qui ne sent rien et surtout pas le putois donc c’est pareil !

Après le coucher de soleil sans grand intérêt ce soir (on ne peut pas être au dessus des nuages tous les jours) on trouve un petit bar branché rempli d’expat’ avec un concert de reggae, yes man ! On s’installe d’abord pour boire un verre, puis finalement pour y manger. On ne peut pas dire que le reggae soit ma tasse de thé mais ça anime la soirée.

A 22h on est au lit… et oui retour à la civilisation et du coup on se couche tard ;o)

Bilan du jour : 10,5km – 600m d+ – 1658m d- 

We did it !

  • mh

    Fantastique, quel spectacle !!!!
    C’est sûr que l’on ne peut pas l’oublier

    • Xelle

      oui magnifique les photos

  • Non c’est clair ! Contrairement à ma tête avec un bonnet… ça on aimerait bien l’oublier !

    • Xelle

      J’avoue je me suis arrêtée deux secondes sur le bonnet hi hi hi

      • C’est un point à travailler dans ma tenue, j’avoue…

  • Xelle

    pov’ putois … pas sûre qu’un furet ça sente la lavande non plus … en tout cas ça m’a bien fait rire cette petite anecdote, j’ose même pas imaginer 😉