Aiguilles rouges : Carte d’identité

Destination : Chamonix – tour des aiguilles rouges
Tour operator : voyage organisé par Sébastien
Date : 14 au 19 juillet 2018
Particularité : Voyage en solitaire et autonomie
Auteur du récit : Sébastien

Résumé du voyage : 

5 jours dans le massif du Mont Blanc. 3 en autonomie complète pour le tour des aiguilles rouges et des Fiz et 2 autres en randonnée à la journée pour le refuge Albert premier et « La Jonction ».

Un séjour dans les montagnes génialissime qui n’a comme seul inconvénient que l’envie, voire le besoin, d’y retourner rapidement.


Jour 1: Montée au lac Blanc

Ca faisait quelques temps que je me demandais si partir seul randonner me plairait. L’occasion s’est présentée, alors j’en ai profité pour tester 5 jours autour de Chamonix. Après de long mois de préparation, je me suis arrêté sur le format de 3 jours en autonomie complète pour faire le tour des aiguilles rouges, rallongés au dernier moment par 2 jours en randonnée à la journée au départ de Chamonix.

Nous sommes donc le 13 juillet, veille de départ et j’hésite encore à partir. J’ai prévu d’y aller en voiture pour être encore plus autonome et annuler si la météo n’était pas favorable… et la météo n’est pas très favorable. Cela fait une semaine qu’ils prévoient de la pluie sur mes 3 premiers jours. Une pluie qui n’est pas sur toute la journée mais qui est quand même bien présente.

Finalement, à 22h je prends ma décision. Je suis épuisé d’une semaine de boulot intensif et j’attendais trop cette semaine pour l’annuler. Je pars faire mon sac en vitesse et me prépare pour un départ matinal le lendemain.

Samedi 14h juillet, jour de fête nationale. Je pars plus tard que prévu car je dois aller à la poste pour prendre mon colis de nourriture lyophilisée et ma bouteille de gaz qui m’attendent… oui mais aujourd’hui c’est férié et la poste est fermée !!! Ca je ne le l’avais pas du tout anticipé.

Tant pis, je pars quand même et je m’arrête chez Décathlon. Heureusement je trouve de quoi me dépanner. Ce n’est pas ce que j’avais commandé mais c’est ça ou j’annule ma rando.

7 heures plus tard avec un beau bouchon sur la route, j’arrive à Chamonix. Je me gare sur le parking du téléphérique de la Flégère comme prévu. Je me change, je prends mon sac et à 17h je pars pour ma première (petite) étape. Au programme, relier le lac Blanc à 2350 mètres d’altitude.

Je m’élance sous le téléphérique dans une forêt de conifères. La température est relativement fraîche dès lors que je suis sous les sapins. Je progresse tranquillement, je ne veux pas me fatiguer dès le premier jour.

Je croise rapidement un agneau qui est perdu. Il me suit pendant un petit quart d’heure en bêlant. Je ne sais pas si c’est à moi qu’il s’adresse ou s’il appelle son troupeau.

La lumière dans la forêt en cette fin d’après-midi est très jolie.

Au bout d’une heure et demie j’arrive en haut du téléphérique. 800 mètres de dénivelé dans un paysage classique de forêt. Sympa mais je ne suis pas là pour ça non plus :o)

Après le téléphérique, le paysage change. Au-delà des 1800 mètres on voit nettement la limite de vie des conifères. Ici c’est beaucoup plus rocailleux. Il y a de l’herbe, des fleurs mais plus d’arbre.

Sur cette deuxième partie je croise quelques bouquetins, dont deux tout juste sortis du ventre de leur mère. Adorable. J’entends également pas mal de marmottes dans ce terrain rocailleux sans vraiment les voir. J’aperçois une queue qui disparaît fugacement mais rien de plus.

A 20h et après 1300 mètres de dénivelé j’arrive au lac Blanc. Pendant la préparation de mon voyage j’avais vu des photos de ce lieu et je voulais absolument y passer la nuit. Évidemment je ne suis pas seul. Beaucoup d’autres randonneurs sont venus passer la nuit ici (une bonne dizaine de tentes) pour prendre des photos. C’est un lieu bien connu pour cela.

Après les 7 heures de route et la montée, je suis bien fatigué. Je m’installe rapidement et fais une toilette bien méritée dans le lac… lac où la neige et la glace sont encore bien présentes. Ca donne une idée de la température de l’eau. Pour autant avec la chaleur de la montée ça fait beaucoup de bien.

Le lieu est très beau. La neige est encore très présente un peu partout et j’ai une vue directe sur le Mont Blanc… enfin j’aurais une vue sur le Mont Blanc s’il n’y avait pas autant de nuages.

Je mange rapidement sous quelques gouttes et en entendant le tonnerre qui commence à gronder. Je me dépêche de terminer et m’installe pour la nuit. Il est à peine 21 heures mais je suis à bout de fatigue. Je me roule dans mon duvet pour commencer ma nuit…

Malheureusement je suis réveillé rapidement. Un énorme orage éclate… le bel orage de montagne qui tonne fort et déverse des litres d’eau en quelques minutes. La fatigue aidant je somnole sans vraiment me réveiller jusqu’à sentir mes pieds qui commencent à mouiller… ça, c’est pas normal.

Je me contorsionne dans la micro tente pour regarder ce qu’il se passe et ma main s’enfonce dans 1 bon centimètre d’eau. La tente est légèrement en pente ce qui fait que la moitié est sous l’eau pendant que l’autre est au sec. J’ai donc 2 options alors qu’il est 23h30 : sortir pour vider la tente et tenter de sécher ce que je peux ou continuer de dormir en chien de fusil sur la moitié sèche de la tente.

Je préfère l’option n°2… Mais je peux vous garantir que passer une nuit entière les jambes pliées c’est très loin d’être confortable. Évidement j’ai très mal dormi.


Jour 2 : Lac Blanc – Lac d’Anterne

5h30… mon réveil biologique s’allume. L’intensité de la lumière à l’intérieur de la tente se fait plus importante. Je sors la tête pour voir ce qu’il en est : il est temps de sortir si je veux voir le lever du soleil.

Rapide tour d’horizon. La tente en contrebas de ma position est partie dans la nuit. Je la retrouve tout en bas… ils ont dû avoir le même problème que moi cette nuit.

Bien que je vois enfin le Mont Blanc, le lever de soleil n’est pas aussi beau que j’aurai pu l’espérer. Je passe donc vite à l’étape suivante : je sors toutes mes affaires pour tenter de les faire sécher. Je vide mon sac qui est gorgé d’eau et tout est étalé dehors. Entre le froid et l’ombre, je ne m’attends pas vraiment à ce que cela sèche.

Je prends mes affaires pour petit déjeuner et je grimpe un peu pour sortir de l’encaissement où je me trouve. La vue est vraiment belle. Entre le lac blanc et toute la chaîne du Mont Blanc, j’ai enfin la vue que j’étais venu chercher.

Progressivement la lumière s’intensifie, puis les couleurs du matin apparaissent également. Toute la palette du rose au violet est là. Enfin le soleil fait son apparition, lentement et discrètement il vient illuminer le point culminant à presque 5000 mètres juste en face de moi. C’est un beau spectacle, pas le plus beau des levers de soleil mais ça valait vraiment le coup de se lever tôt.

Après une séance photo, je reprends la route avec un sac trempé qui dégouline dans mon dos. Ça passera… Il est 7h lorsque je quitte mon bivouac à destination du mont Buet. C’est l’objectif du jour.

L’un des lacs de Cheserys

J’arrive rapidement aux lacs de Cheserys un peu plus bas. Il y a beaucoup de monde en train de se préparer après un lever récent. Il y a même étrangement plus de monde qu’au lac Blanc (normalement c’est le contraire).

La redescente jusqu’au col des Montets (départ habituel du tour des aiguilles rouges) est très agréable. Je garde la chaîne du Mont Blanc pendant un long moment avant de plonger de 1000 mètres en contrebas. Je suis un sentier au travers d’une végétation très luxuriante vu l’endroit où l’on se trouve. C’est vert, il y a des fleurs et je croise souvent de l’eau. Ce n’est pas ce qui manquera sur mon périple.

Aujourd’hui encore je croise des bouquetins… décidément ils sont relativement présents pour l’instant tout comme le car d’asiatiques qui monte à contre sens de moi. Au moins une trentaine de personnes les unes derrières les autres. Ça fait bizarre de croiser autant de monde ici.

J’arrive donc au col des Montets après 2 heures de descente. Le soleil m’a à nouveau quitté depuis un moment. Le ciel est couvert mais la température n’est pas fraîche.

Petite pause-café avant de repartir en direction du refuge de la Pierre à Bérard. La moitié des 2h30 de montée se passe dans la forêt de sapins. Un torrent est également là pour m’accompagner jusqu’au refuge. La lumière filtrée par les branches donne une ambiance particulièrement agréable en laissant passer les quelques rayons de soleil. Comme d’habitude, passé les 1800 mètres d’altitude les conifères laissent place à une végétation plus florale.

Je profite du refuge pour m’offrir une pause coca… que finalement je n’apprécie pas particulièrement. Il est 11h passées et je commence à fatiguer un peu. Encore 3h30 jusqu’au sommet du mont Buet, point culminant de ma semaine.

J’y retourne donc motivé par le panorama que j’attends de découvrir là-haut.

Je passe les 2000 mètres rapidement et les névés sont très présents de ce côté. J’en traverse plusieurs et je perds un peu le fil du chemin. Je me retrouve dans une montée très abrupte m’obligeant à mettre les mains pour continuer d’avancer.

Trop fatigué, je décide de m’arrêter faire ma pause déjeuner. Je fais même une petite sieste pendant que le repas chauffe… la journée est vraiment épuisante et je suis encore loin du but (bien plus que je ne le croyais à ce moment-là).

A peine revigoré après cette pause je continue la montée à travers névés et gigantesque pierrier. Je croise deux autres randonneurs que je suis, vu la technicité du terrain. C’est bien de ne pas être seul ici.

L’ascension se fait lentement et prudemment d’autant plus qu’il n’y a plus vraiment de chemin là où je me trouve. Le mont Buet est devant moi mais caché par une épaisse couche de nuages. Mais j’y crois encore, il y a du vent et les nuages vont et viennent.

Beaucoup trop de neige pour faire l’ascension du Buet

Malheureusement, je dois me résoudre à bifurquer vers le col de Salenton. La neige est bien trop présente pour envisager une ascension du mont Buet dans des conditions de sécurité optimale. Il y a de la déception c’est évident, j’en avais fait mon « objectif » de la semaine, c’était le seul 3000 accessible dans le coin. Pas de chance, cette année il y a beaucoup trop de neige (et en même temps c’est aussi ce qui rend le paysage si beau).

Je poursuis donc jusqu’au col de Salenton qui me permet d’avoir une vue d’un côté sur le Nord-Est et toute la vallée que je viens de traverser et de l’autre sur la journée que j’avais prévue pour demain. J’hésite à planter la tente au col mais il y a pas mal de vent et il n’est que 15h… et je fais quoi après ?

Regard en arrière sur ce que j’ai fait ce matin

La fatigue est évidemment très présente après ce début de journée mais je me dis que je peux «gagner » une journée en continuant de marcher jusqu’à ce qui devait être mon bivouac de demain. Ça devait être une petite journée de repos donc c’est peut-être jouable. En tout cas je préfère cela plutôt que de rester là.

Je bascule donc de l’autre côté du col en direction du refuge de Moëte Anterne. Je descends dans un pierrier avant de retrouver un petit chemin dans l’herbe. Les moutons ne sont pas loin ; la verdure et les fleurs de la vallée sont de retour. Je suis au fond de la vallée, entouré de part et d’autre par ces immenses montagnes qui me rappellent que je suis tout petit et uniquement de passage dans cette environnement magnifique.

Qui suis-je au milieu de ce massif des aiguilles rouges ?

Je poursuis ma route jusqu’au refuge. Marcher devient difficile, la fatigue est vraiment très présente. Je pensais bivouaquer ici étant donné ma fatigue mais le lieu n’est pas propice. Ou plutôt le lieu ne me convient pas. Trop de bâtiments, le refuge n’est assez grand et constitué de plusieurs bâtiments. Si je suis parti en autonomie c’est pour me retrouver seul au milieu de la nature.

Alors je continue. Je fais une pause de 15 minutes pour reposer mes jambes et m’alimenter un peu mais je repars. Je repars à destination du lac d’Anterne, destination initiale de demain soir. Il me reste une heure de marche pour y arriver, mais surtout une dernière ascension de quelques centaines de mètres.

Je m’attendais à une ascension lente et difficile mais finalement l’énergie me revient. Je monte à marche forcée avec mes bâtons pour m’aider. En haut les nuages sont devenus gris et les gouttes arrivent doucement. J’ai une vue sur les Fiz. Je me demandais en préparant cette rando à quoi pouvait ressembler cette énorme barre rocheuse. Maintenant je sais et c’est assez impressionnant.

Je bascule donc de l’autre côté sans m’arrêter au col pour mettre un point final à cette journée. Rarement j’aurai été aussi fatigué après une journée de marche.

J’arrive au lac à 18h15. Cette fois-ci je suis totalement seul. Le paysage est superbe. Le torrent se sépare en une multitude de petits bras d’eau se jetant dans le lac. Avec la lumière et la brume, l’ambiance est quelque peu étrange.

Cette fois-ci je prends mon temps pour trouver où mettre ma tente. J’étudie toutes les options en fonction de la pente du terrain autour de moi, je fais attention de ne pas me mettre dans une petite cuvette naturelle, bref je fais en sorte que même s’il pleut comme hier je sois au sec cette fois ci.

Je profite d’avoir encore un beau torrent à côté de moi (d’ailleurs je vais sûrement bien l’entendre cette nuit) pour faire une grosse toilette. Le fond de l’air est frais mais c’est rien comparé à la température de l’eau. Impossible de mettre les pieds dans l’eau plus de quelques dizaines de secondes. Après la douleur du froid est trop insupportable.

Néanmoins, une bonne toilette complète est certes sur le coup difficile mais devient rapidement source de bien-être et de relaxation. Je n’irais pas jusqu’à dire que cela enlève toute trace de fatigue mais c’est vraiment délassant.

Abri de fortune pour repas au sec (ou presque)

La fin de soirée, ou on pourrait presque dire d’après-midi vu l’heure qu’il est, est pluvieuse. Le vent s’est levé et souffle fort apportant quelques gouttes. Par chance, à défaut d’avoir une tente assez grande pour pouvoir y manger, j’ai trouvé un abri de fortune sous un rocher. Ce n’est pas super confortable mais ça me permet de manger à peu près au sec.

Le repas terminé, je profite d’une petite accalmie pour aller me coucher et dormir d’un sommeil très léger malgré une fatigue très présente.


Jour 3 : Lac d’Anterne – col du Brévant

A nouveau ce matin la lumière du soleil filtrée par la tente me réveille à 5h30. Je me lève assez rapidement aidé par la tente qui rend impossible toute station assise. Obligé de sortir directement pour pouvoir m’habiller… C’est frais et ce n’est pas vraiment le moment que je préfère dans la journée mais bon !

Le soleil se lève doucement pendant que je me prépare. La tente est pliée, le sac bouclé et le petit déjeuner avalé. Le spectacle n’étant pas aussi majestueux qu’hier, je ne m’attarde pas et pars dès 6h30.

Levé de soleil sur les Fiz

Nous sommes le 3ème jour, les muscles sont endoloris et il me faut quelques kilomètres avant de remettre la machine en marche. Je commence par descendre sur le refuge Alfred Wills que je surplombe d’un peu plus de 200 mètres. Le refuge est constitué de quelques bâtiments avec des chèvres non loin de là en train de paître dans le creux de la vallée encore dans l’ombre de la montagne. Il fait frais à cette heure encore matinale et je vois quelques personnes, guère plus grandes que des fourmis qui commencent à s’activer autour du refuge.

Je ne saurais dire pourquoi mais j’aime ce moment. Le paysage est beau, le soleil se lève sur la grande muraille des Fiz et ce petit endroit isolé où la vie s’éveille avec le jour me plaît…

Refuge Alfred Wills sortant du sommeil

Je descends tranquillement jusqu’au refuge et le traverse de part en part. Tous ses habitants semblent levés et ne devraient pas tarder à prendre eux aussi la route. Moi je continue sans m’y arrêter et je crois que c’est l’une des rares fois où je me dis que j’aurais bien passé une nuit ici. Ce micro hameau est plein de charme et ne se laisse apprécier que par ceux prêts à marcher plusieurs heures pour venir le découvrir.

Je poursuis ma promenade du jour en longeant puis contournant la montagne des Fiz. Elle est imposante, grise et très haute. En bien des manières elle me rappelle le « rempart » de Mafate.

J’entame une très longue descente pas forcément agréable tant par le chemin que par les paysages mais j’arrive sur la cascade de la pleureuse. Il est 9h, c’est l’heure de prendre le café du matin. Je sors mon réchaud pour ma petite pause devant la cascade.

Je reprends ma route et très vite j’arrive dans une vallée luxuriante où plein de cascades se succèdent sur différents étages. La flore est très présente et embellit ce magnifique tableau. Je remonte cette vallée vers les hauteurs du plateau entourée de parts et d’autres par de grandes montagnes.

Je n’avais initialement pas prévu de passer par ici, pensant que le temps me manquerait mais quelle joie d’avoir pu venir. C’est presque l’une de mes plus belles journées depuis mon départ. Le temps magnifique y est certainement pour quelque chose.

Après avoir croisée beaucoup d’enfants sur cette randonnée (il y a probablement un centre de vacances non loin d’ici), je poursuis ma remontée jusqu’au passage du dévidoir. Une longue traversée de la plaine avant l’ascension jusqu’au dévidoir. Entre névés, pierrier et pente très forte j’arrive en haut bien fatigué.

Mais quelle récompense. Alors que j’ai les yeux rivés au sol depuis une heure pour terminer cette montée, j’arrive enfin sur la crête pour admirer le paysage saisissant sur la vallée de Chamonix et du Mont Blanc. Un spectacle incroyable que je partage avec les rapaces qui se laissent porter par les courants juste à ma hauteur, à seulement quelques mètres de moi.

Evidemment, c’est ici que je décide de poser mon sac pour faire ma pause déjeuner.

Et toi elle est comment ta cuisine où tu manges ?

Je reprends la route après cette pause. Dès le départ, le ton est donné : La pente abrupte dans un pierrier très instable où le chemin est balisé par quelques cordes accrochées dans les rochers. On est plus sur une via ferata que sur un chemin de randonnée. Certains passages sont même plus du ressort de l’escalade ce qui ne me rend pas très à l’aise avec mon sac de 15 kg sur le dos prêt à me déséquilibrer au moindre faux mouvement.

Descente abrupte… c’est pas ce que j’ai préféré

Bref, j’arrive par redescendre entier en bas. Je comprends maintenant pourquoi le chemin sur la carte n’était pas très clairement établi. Je voyais bien qu’il y avait un passage mais cela ne ressemblait pas à un chemin de randonnée classique… et pour cause.

Je remonte ensuite jusqu’au refuge Moët Anterne pour boucler la boucle. Me voilà revenu presque 24 heures plus tard au même endroit mais avec une belle balade entre les deux.

Encore une fois, il est trop tôt pour m’arrêter. A presque 15h je ne veux pas rester ici d’autant plus que le temps n’est pas au beau fixe. J’ai terminé la remontée vers le refuge sous les gouttes, donc rester ici me ferait un après-midi un peu long sans pouvoir faire grand-chose.

Je poursuis donc vers le col de Brévant. C’est encore très loin, probablement 3 ou 4 heures. L’idée, c’est de dormir au pied du sommet du Brévant pour en terminer l’ascension demain matin et profiter du lever du soleil là-haut. Pas sûr que je puisse arriver si loin mais il sera toujours temps de m’arrêter en chemin si je suis trop fatigué.

La pluie fine que j’ai eue sur le chemin avant d’arriver au refuge s’est calmée… un temps avant de se transformer en vraie pluie qui mouille. Obligé de marcher 1h30 avec la gore tex et la capuche, ce n’est pas le plus agréable mais finalement dès lors que je me suis protégé ça n’a pas été si terrible que cela. Et puis lorsque le soleil est revenu j’ai séché assez rapidement.

J’ai failli m’arrêter sur le chemin à cause de la fatigue mais finalement je voulais vraiment me laisser la possibilité de faire l’ascension demain matin au lever du jour. Alors j’ai continué jusqu’au col. La fin de la route se termine par une longue ascension (rien d’étonnant pour accéder à un col…) ainsi que des névés très importants. Beaucoup de neige de ce côté du col où je fais les derniers mètres avec de la neige jusqu’aux mollets.

Peut-on encore parler de névé? ?

En venant jusqu’au col, je tente un peu le tout pour le tout car c’est rarement les meilleurs endroits pour bivouaquer. C’est souvent dans le vent avec peu de place « plate ». Alors, lorsque j’arrive j’espère vraiment avoir fait le bon choix. Au premier abord, ce n’est pas gagné mais en cherchant un peu j’arrive à trouver une petite place en surplomb du col. C’est un soulagement car je suis encore au bout de mes forces aujourd’hui.

C’est particulier de marcher seul. Certains côtés sont indéniablement agréables. Je peux choisir mon chemin, mon allure, je m’arrête quand j’ai envie, je peux changer si j’ai envie, bref, je suis libre mais dès lors que la journée se termine et qu’on n’est plus occupé à marcher alors la solitude prend sa place. Et comme la météo n’est pas spécialement belle permettant de rester dehors à se reposer ou à lire, je marche… je marche jusqu’à l’épuisement total. Jusqu’au moment où je n’ai plus qu’à planter la tente, faire un brin de toilette, manger rapidement et pouvoir aller me coucher pour me reposer.

Ma chambre à coucher…

C’est donc ce que je fais ce soir et les températures très froides m’incitent à aller encore plus vite que d’habitude. Je pars me coucher après avoir profité de cette vue encore incroyable face au Mont Blanc et du glacier des Bossons que je ferai dans 2 jours.

Il est 20h, le soleil a disparu… et moi je ne suis plus.


Jour 4 : Col du Brévant – Chamonix

Il y a eu quelques gouttes cette nuit. Au réveil, la tente est mouillée mais surtout le ciel est resté complètement couvert. A partir de 4h, j’ai passé la tête dehors régulièrement pour voir si le ciel étoilé valait le coup mais surtout pour savoir s’il fallait que je me lève plus tôt pour profiter de la vue en montant encore un peu.

Finalement, entre le ciel couvert et la vue dégagée que j’ai d’ici, monter en haut du Brévant ne m’apporterait pas grand-chose. Je reste donc au chaud et dors jusqu’à 5h30. J’ai un réveil dans la tête !

Le Lever de soleil n’est pas aussi beau qu’espéré. J’ai encore en tête celui que j’avais fait en haut du pic du Bastan l’année dernière qui été extraordinaire, spécialement après l’ascension que j’avais faite de nuit. Mais aujourd’hui le crois que je n’en aurais pas eu la force.

Je reste là où je suis pour profiter des quelques couleurs orangées du matin en prenant mon petit déjeuner face au Mont Blanc et au glacier des Bossons. Rien de tel pour commencer une bonne journée.

Je prends mon temps ce matin en partant vers 7h. Le problème, c’est que je ne sais pas quoi faire aujourd’hui. Dans 2 heures je suis à Chamonix avec une journée d’avance sur ce que j’avais prévu et après je fais quoi ?

Le glacier des Bossons au fond

Je commence la descente en me disant que je trouverai bien une petite rando à faire sur la journée une fois en bas. Laissons-nous porter.

Et puis sur le chemin du retour je croise un panneau qui indique Lac Cornu et lacs Noirs. Je ne sais pas pourquoi mais cette destination m’intrigue. Le chemin repart en montée dans la montagne. Le temps est assez menaçant, je n’ai pas du tout préparé cette randonnée, je ne sais même pas où elle va mais je sens comme une attirance vers cette destination. Ce panneau placé juste devant moi m’intrigue, m’appelle même. Après tout, je n’ai rien de planifié aujourd’hui , alors laissons un peu de place à l’imprévu.

Je m’élance donc dans cette nouvelle montée jusqu’au col du lac Cornu dans un premier temps. De ce côté de la chaîne des aiguilles rouges, la neige est très présente et je traverse d’importants névés à plusieurs reprises. J’y vais toujours avec beaucoup de précautions, car malgré tout, une chute peut m’entraîner assez loin en bas… voire très bas !

Beaucoup de neige de ce côté…

Là-haut, j’ai une vue sur le lac Cornu. C’est vraiment beau mais ce n’est pas assez. J’hésite un peu mais le lac est loin en contre-bas, sans chemin visible pour y accéder. J’ai besoin d’eau car il n’y avait rien hier soir pour m’approvisionner. Je tente donc le chemin qui continue vers les Lacs Noirs.

Le chemin est très mal balisé, je dévie à plusieurs reprises, dont une fois sérieusement dans la neige. Habituellement, à cette époque de l’année, le tracé est bien indiqué à travers un chemin dans la roche… aujourd’hui, je traverse la neige sur 1/4 du parcours et donc sans balisage.

J’arrive enfin au lac Noir supérieur. C’est très beau. Le lac commence à peine à dégeler et l’eau noire contraste avec le blanc immaculé de la neige. C’est incroyablement beau.

Le Lac Noir et la chaîne du mont Blanc

Mais le lac est encore en contre-bas et donc inaccessible pour prendre de l’eau. Je continue vers le lac supérieur. On ne peut plus parler de névé ou de plaque, maintenant je suis complètement dans la neige, il n’y a que ça.

Je repère le lac, tout petit et tout gelé, impossible de prendre de l’eau. Impossible même de s’en approcher sans risquer de tomber dedans. La démarcation entre l’eau et la neige n’est pas claire. Je ne prendrai pas le risque de m’approcher.

En contemplant un peu le paysage, j’entends comme un suintement. Il y a un lac, alors il y a probablement une évacuation quelque part. Je pars à sa recherche. Pas simple mais je finis enfin par trouver. Le lac est en fait au pied d’un précipice qui tombe quelques dizaines de mètres plus bas. Je m’approche pour découvrir un autre lac d’une beauté incroyable. Là encore le dégel commence à peine et les couleurs noires intenses et blanc bleuté tranchent pour donner une œuvre d’art.

Lac Noir supérieur… D’une incroyable beauté

Je refais le plein d’eau et je reste là dans le froid à contempler cet endroit incroyable. Ce lieu restera dans les moments forts de ce voyage, tant par la beauté que par le fait que c’était complètement imprévu. Comme quoi, il faut savoir écouter son instinct et laisser un peu d’imprévu se glisser dans le programme.

En repartant, je croise Agnès qui n’ose pas franchir un endroit un peu technique pour récupérer un chemin redescendant à Chamonix. Je la guide et on fait un bout de chemin ensemble.

Je termine la redescente jusqu’à Chamonix comme je l’ai commencée il y a 4 jours, sous le téléphérique de la Flégère. La perte d’altitude apporte beaucoup plus de chaleur que j’en ai connu ces derniers jours. C’est bizarre de revenir à la civilisation avec tout ce monde, ces voitures, les infrastructures… bref, c’est assez incroyable comme en 3 jours on peut déconnecter complètement. Mais je ne suis pas mécontent de la douche qui m’attend !

Je m’installe au camping pour les 2 prochains jours. Coup de chance, je prends la dernière place de disponible. Moins chanceux, je suis juste à côté du bloc des sanitaires et du point de rassemblement de tout le camping. Le début de nuit va être sympa. D’un autre côté, c’est clairement un camping de randonneurs et d’alpinistes alors l’ambiance est plutôt sympa.

En toute intimité !

Je m’installe et je pars visiter un peu le centre-ville de Chamonix. Il n’est pas très tard alors je me balade un peu avant de m’arrêter prendre l’apéro dans un bar. Et comme c’est sympa, je reste finalement pour manger un bon gros hamburger avec des frites maison. Ça fait du bien après 4 jours de nourriture lyophilisée.

C’est assez étrange d’être ici en ville et seul. Autant la solitude n’est pas un poids lorsque je suis dans les montagnes mais ici, attablé, à regarder les gens passer il y a une vraie solitude. On se demande un peu ce qu’on fait là.

Bref, je termine de manger tôt et rentre me coucher. A 20h30 je suis au fond de mon duvet prêt à dormir malgré le bruit juste à côté.